Cartons
Le chaînon manquant
Lorsqu' il m' a été donné de découvrir l' oeuvre sur carton de Claude Abad, celle-ci a aussitôt exercé sur moi, une fascination que je n' avais pas éprouvée depuis longtemps. Peut-être, la vision quasi quotidienne d' expositions - pour des raisons professionnelles - a t' elle eu raison de mon appétit de découverte et a fini par me rendre plus exigeant, voir même un peu désabusé. Rapidement ce travail s' est imposé à mes yeux comme une évidence, une sorte de chaînon manquant dans son histoire, entre sa production d' atelier proprement dite et les actions musique-peintures, où si le risque et l' improvisation sont de mise, on sait que la rencontre, même si elle n' est jamais évidente, est bien souvent au bout du chemin. Pour avoir la prétention de connaître le canevas depuis longtemps déroulé par Claude, je sais que ce n' est pas dans cette chronologie exacte que les choses se sont produites, mais, en peinture ce n' est pas ce qui se passe, et les aller-retour sont fréquents, un peu comme pour fermer une porte un temps entr' ouverte, ou pour répondre à un problème rencontré et jamais résolu.
A de rares exception près, l' acte du peintre n' est pas linéaire, loin s' en faut. Pour vouloir aller plus loin, encore et toujours, il faut se risquer sur la planche fragile de la vie jusqu' au point de sa rupture. C' est cette mise en danger qui fait à mes yeux, l' artiste qui s' engage. Et de l' audace il en faut pour abandonner la douceur de la toile et se frotter à la rigueur du carton. Car celui-ci sous une apparence informe et quelconque, est chargé de sa propre histoire, ses propres turpitudes. Loin d' être un long fleuve tranquille, le carton transparaît par toutes ses pores de ses vicissitudes. Et de ces destins croisés, entre le support et le peintre, ce dernier a une fonction d' apaiser les maux du premier. En ce sens cette peinture a un je ne sais quoi de reposant, une sorte de quiétude philosophique et peut prétendre être une réponse ultime et sans mot aucun à nos angoisses existentielles. Et en savourant ce travail, une expression de Malraux arpente ma mémoire : "la peinture est toujours au delà des mots". Devant ces cartons-là on ne peut être que convaincu.
JOMY |